Loi Duplomb – Prise de parole commune lors de la mobilisation du 19 juin 2025 à Rennes
Nous sommes mobilisés aujourd’hui contre la proposition de loi Duplomb, mais il faut rappeler que ce n’est pas, loin de là, la 1ère attaque contre l’agriculture paysanne, la santé des citoyens, l’environnement,… sous couvert de compétitivité.
Elle s’inscrit dans le prolongement des diverses propositions de loi :
- celle de 2016 qui visait à alléger les charges de toutes natures pesant sur le secteur. Celles-ci pouvant être de nature environnementale, sociale et fiscale. Ainsi la proposition assouplit la réglementation sur les installations classées et allège les charges sociales et fiscales s’appliquant aux agriculteurs.
- celle de 2023 déposée par Laurent Duplomd : pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France. (adoptée par le sénat le 23 juillet 2023)
La proposition de loi Duplomb en complément de la Loi d’Orientation agricole a pour intention d’accélérer la concentration des fermes , et donc faire disparaître les paysans, pour assurer notre compétitivité dans un marché concurrentiel . Cela revient à sacrifier les paysannes et paysans pour espérer maintenir artificiellement notre capacité à l’exportation. La diminution du nombre d’agriculteurs est un projet de la FNSEA, (rappel déclaration dans OF d’André sergent et d’Arnaud Rousseau pendant les coléres agricoles.)
Il nous faut aussi rappeler qui est est Laurent Duplomb : né le 24 octobre 1971, est un exploitant agricole français et un homme politique. Il est actuellement sénateur de la Haute-Loire. Comme représentant de la FNSEA, il a été président de la chambre d’agriculture de Haute-Loire. Il a également été président régional du groupe laitier Sodiaal et membre du conseil de surveillance de la marque Candia[3].
…et c’est un menteur !
Projet de loi Duplomb dites-vous ? Ce texte qui aurait pour finalité « nous citons « de
- “Répondre au sentiment d’abandon que les agriculteurs vivent
- eux qui ne comprennent plus ces interdits tellement ils sont aux antipodes de leurs besoins pour produire et continuer de nourrir les Français«
Mensonges !
Il est faux de dire que cette proposition de loi est soutenu par « le monde agricole ». Le monde agricole ne se résume pas à la FNSEA, même si un certain nombre de ministres et parlementaires, habitués à la cogestion, aimeraient le penser. Depuis le début la Confédération Paysanne s’oppose à ce texte.
Il est faux de dire que les paysan.ne.s se préoccupent fortement de la réduction et interdiction des produits phytosanitaires quand ils sont seulement 4 % à aborder ce sujet d’inquiétude alors qu’ils sont 21 % à s’alarmer du dérèglement climatique. 85% des agriculteurs sont en faveur de la transition : ils ne demandent qu’à être accompagnés. (Sondage BVA/Nourrir)
Il est faux de dire que les paysan.ne.s sont sous tension permanente par crainte des contrôles alors que lors de contrôles effectués par l’OFB (soit 1 % des fermes sur 400 000 en 2023), il a été comptabilisé qu’un seul 1 contrôle sur 1000 était source de tension. (sondage BVA/Nourrir)
Il est faux de dire que cette proposition de loi répond aux « attentes du monde agricole ». Il est surtout au service d’un système agro-industriel qui ne sert que les intérêts de qqn.e.s et qui est déjà responsable de la disparition de centaines de milliers de paysan.ne.s et de fermes en France.
Il est faux de dire que la France, par ses agriculteurs, peut produire et nourrir sa population. Dans son nouveau rapport sur l’état des terres agricoles en France, Terre de Liens révèle que la France a perdu la capacité à nourrir sa population. Avec 28 millions d’hectares de terres agricoles, notre pays a en théorie de quoi nourrir sa population, et même plus. Mais en pratique, 43% de ces terres sont dévolues au commerce international, réduisant notre souveraineté alimentaire à une chimère politique.
Que contient ce projet de loi ?
1) Un assouplissement des règles sur les pesticides.
La proposition de loi prévoit, au mépris des avis défavorables des agences de sécurité sanitaires française (ANSES) et européenne (EFSA) la réintroduction de l’Acétamipride, un pesticide néonicotinoïde pourtant interdit depuis 2018. Ce redoutable pesticide tue les abeilles même à de très faibles doses et il est dangereux pour la santé humaine. Des études l’associent à des problèmes de neurodéveloppement chez le fœtus, à des altérations du foie et à des perturbations hormonales…
Elle souhaite plus globalement favoriser l’usage des pesticides de synthèse dans les fermes conventionnelles. Pour y parvenir, il est envisagé d’affaiblir le rôle et l’indépendance politique et économique de l’ANSES, notamment grâce à la création d’un conseil de professionnels et de syndicats agricoles pouvant imposer des priorités d’usages de pesticides.
L’argument de la surtransposition des règles européennes est un mensonge qui ne tient pas une minute à l’épreuve des chiffres. Rappelons que la France est l’un des plus gros utilisateurs de pesticides en Europe derrière l’Italie : 303 molécules sur les 453 substances autorisées soit 32% de plus que la moyenne européenne. Les quantités de pesticides épandues à l’ha sont elles aussi bien supérieures à la moyenne : 3,5 kg/ha compter 2,9 kg:a en Europe !!! 30% des points de captage en France sont contaminés par des métabolites nocives pour la santé. Le plan ecophyto lancé en 2018 visant la réduction de 50% des pesticides pour 2025 est un échec retentissant. Un échec à 70 millions par an pendant 7 ans, soit près de 500 millions pour rien ! Cet argent aurait pu être utilisé bien plus efficacement pour accompagner la transition agro-écologique au travers des MAEC et pour accompagner l’agriculture biologique dans son développement et son maintien.
L’argument de recherches d’alternatives pour pouvoir se passer progressivement des pesticides ne tient plus, cela fait 10 ans qu’il est brandi. La réalité est que les marchands de pesticides n’en cherchent pas et les personnes publics ne mettent pas en place de politiques volontaristes à ce sujet. Pire, ils réduisent des soutiens à l’agriculture biologique qui a pourtant fait ses preuves. Si un autre modèle agricole pouvait bénéficier des mêmes moyens en termes de recherche, de formation, d’accompagnement techniques et économiques, il serait possible d’embarquer une majorité d’agriculteurs vers un avenir positif .
2) Un allègement de la réglementation pour favoriser la construction d’élevages intensifs.
Au prétexte d’une plus grande compétitivité des éleveurs, la loi prévoit d’assouplir la réglementation des installations d’élevage classées ICPE, autrement dit des installations agricoles à fort impact environnemental qui génèrent méthane et nitrates – valant à la France des condamnations régulières – mais aussi des émanations d’ammoniac.
L’option choisie est de relever les seuils ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement), soumettant ainsi tous les projets à une réglementation particulière nécessitant une demande d‘autorisation préalable.
Par exemple, voici les relèvements de seuil envisagés :
- de 40 000 à 85 000 poulets
- de 2000 à 3000 places de porcs
- de 400 à 500 bovins viande
Pourquoi relever les seuils ? Pour faire en sorte qu’il n’y ait plus d’enquête publique préalable pour tous les projets en dessous de ce seuil…
Seuls 3% des exploitations les plus intensives pourraient bénéficier de ce changement de réglementation. En effet, la majorité des éleveurs ne sont pas concernés par ces normes. Ce dont ils ont besoin pour s’en sortir c’est de prix garantis.
Ce dispositif aiderait donc surtout les plus grandes exploitations à devenir encore plus grandes et plus dépendantes du capital. La gestion des risques et des aléas climatiques et économiques devient la priorité de ces exploitants qui cherchent à se protéger par tous les moyens. Il compromet aussi la transmission des exploitations en raison des investissements considérables qu’elle implique, aggravant la problématique du renouvellement des générations en agriculture.
Une agriculture résiliente, autonome et solidaire est possible puisque nous sommes là pour l’incarner !
3) Une accélération de l’accaparement de la ressource en eau avec les mégabassines et la destruction de zones humides
Les gros projets de stockage d’eau constituent également une revendication de cette loi afin qu’ils soient reconnus d’intérêt public majeur. La proposition de loi Duplomb initiale le prévoit faisant craindre la généralisation des méga-bassines. Généraliser les méga-bassines sans considération des contextes locaux est une fausse solution : elles accroissent notre dépendance à l’irrigation au détriment des ressources en eau et de l’environnement. Cercle vicieux infini, nous emmenant dans le mur…
L’article 5 de la loi entend aussi lever certains aspects réglementaires sur les zones humides pour faciliter les prélèvements d’eau. Ces zones humides risquent d’être sacrifiées sous une définition floue fortement modifiée.
Nous ne sommes pas opposé.e.s à l’idée d’irrigation en agriculture mais nous sommes contre la mise en danger des zones humides et le piège des méga-bassines.
En drainant d’un côté les zones humides et en irriguant davantage de l’autre, nous n’utilisons plus l’éponge qu’est un sol en bon état.
Ces tentatives d’atteinte à la gestion équilibrée de la ressource en eau enfermeraient le modèle agricole dans des solutions de mal-adaptation.
Et elles feraient peser de véritables menaces pour les populations et les territoires : multiplication des tensions entre usages et avec l’eau potable, vulnérabilité aux inondations et sécheresses…
Si l’agriculture a besoin d’eau, il est faux de croire que la production alimentaire passe inévitablement par l’irrigation. Seules 7% des surfaces sont irriguées en France. Recréer des parcelles plus petites, replanter des haies, recomposer le maillage bocager, remettre la prairie au cœur des rotations sont autant de solutions fondées sur la nature qui limiteront notre dépendance aux engrais, aux pesticides et à l’irrigation.
Nous sommes CONTRE cette proposition de loi Duplomb qui prétend aider les agriculteurs, mais détruit ce qui nous nourrit vraiment. Elle favorise un modèle destructeur, nocif, mortifère pour l’agriculture, l’environnement et la santé :
- Elle dessert les paysan·nes et participe à leur disparition
Alors qu’elle prétend “lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur”, la loi ne répond à aucune des causes structurelles de la crise agricole : instabilité des revenus et injuste répartition de la valeur dans les filières, absence d’un réel accompagnement à la transition et à l’adaptation au changement climatique.
- Elle détruit l’environnement et freine la transition
Maintien d’une dépendance aux pesticides de synthèse, accaparement de la ressource en eau, allègement des normes pour les élevages les plus intensifs : Plutôt que de renforcer une agriculture résiliente et respectueuse de l’environnement, elle favorise des modèles agricoles dépassés.
- Elle menace notre santé
En affaiblissant les normes sanitaires et environnementales, notamment à travers la réintroduction des néonicotinoïdes et l’affaiblissement de l’Agence de sécurité sanitaire (Anses), cette loi met en danger la santé des citoyen·nes et des paysan·nes. Elle compromet aussi la qualité de notre alimentation et notre capacité à bien se nourrir.
Cette loi ne nourrit pas, elle détruit :
→ notre capacité à produire demain
→ l’indispensable transition agroécologique
→ la possibilité d’un environnement et d’une alimentation sain·es pour tous·tes
Perspectives pour le futur ?
Ce dont nous avons besoin ici et maintenant :
- Une grande loi foncière
- Une PAC réorientée vers l’agroécologie
- Un vrai plan d’installation
Nos territoires regorgent de solutions concrètes. Ce que nous défendons, ce n’est pas une idéologie, c’est un projet crédible, vivant, et déjà à l’œuvre.
Il existe bel et bien une autre voie pour l’agriculture.
CONTRE la loi DUPLOMB mais POUR
- Produire une alimentation de qualité accessible à tous, en garantissant la souveraineté alimentaire de nos territoires et à l’écoute de nos concitoyens,
- un juste revenu du travail : des prix minimums couvrant les coûts de production, des aides PAC à l’actif, une régulation du marché
- installer et maintenir des paysans nombreux : encourager la transmission, accueillir et accompagner les projets dans leur diversité, favoriser les fermes à taille humaine,
- retrouver du sens, de l’autonomie et de la puissance d’agir au niveau technique, décisionnel et économique : relocaliser la production, transformer et commercialiser via des filières de proximité, récupérer la valeur ajoutée qui revient aux producteurs, nourrir nos concitoyens plutôt que prétendre nourrir le monde…
- préserver l’environnement, le climat et la biodiversité en accompagnant les changements de pratiques, en recherchant les solutions fondées sur la nature, en soutenant l’agriculture biologique, en captant et stockant le carbone dans nos prairies et nos arbres,
- partager les ressources et les communs en favorisant l’accès au foncier, en répartissant les moyens de production, en régulant les usages de l’eau,
- renforcer la solidarité entre les paysans en retirant les biens agricoles de tous les accords de libre-échange, en réinventant la coopération, en promouvant le collectif et l’entraide,
Ne nous laissons pas faire ! Face à ces orientations néfastes du gouvernement et aux projets parlementaires dangereux, battons-nous pour un monde vivable ! L’eau, la terre, le vivant, notre alimentation ne sont pas des marchandises !
Ne lâchons rien ! Soyons fermes !
Texte porté et lu par :
Eau et Rivières de Bretagne, France Nature Environnement Bretagne, Terre de Liens Bretagne, Confédération paysanne Bretagne, FRCIVAM Bretagne, Collectif de soutien aux victimes de pesticides de l’ouest, l’Atelier paysan,
|
Bretagne Vivante
AMAP d’Armorique Ligue de Protection des Oiseaux Les Amis de la Confédération Paysanne La Maison de la Consommation et de l’Environnement Le réseau Cohérence
|
Date : juin 2025