Réactions et bibliographie sur les tirs de défense
Outil efficace ou argument électoral ?
Réactions d’Eric Guttierez sur les récentes annonces d’Emmanuel Macron
Dans la course aux voix, le sujet du loup ne fait pas exception. Sur ce dossier brulant qui mériterait du bon sens et du sérieux, règne malheureusement une médiocrité affligeante que se partagent de nombreux politiques et acteurs les plus bruyants du dossier loup.
L’intervention d’Emmanuel Macron lors de son déplacement en Aveyron le 3 juillet et dans les Pyrénées le 17 juillet est une illustration parfaite et navrante, de méconnaissance du dossier et de populisme.
Tout d’abord le déclassement du loup d’espèce strictement protégée à espèce protégée en France modifiera peu la forme et rien sur le fond… L’arrêté définissant les nouveaux critères de gestion de la population de loup n’est toujours pas parut, il devra respecter les obligations de l’annexe III dont l’article 7 prévoit que toute exploitation de la faune sauvage est réglementée de manière à maintenir l’existence de ces populations hors de danger. La France utilise depuis quelques années les dérogations permettant d’effectuer des tirs de défense avec un plafond qui est aujourd’hui de 20% de la population lupine officielle. Ce seuil maximum est calculé en tenant compte des autres causes de mortalité (braconnage, maladies, conflits inter et intra spécifiques,…) qui définit une limite de perte maximum (évaluée à 34 % consensus scientifique) dont le dépassement pourrait engendrer une stagnation puis une régression de la population lupine. L’augmentation du pourcentage de prélèvement semble donc exclue.
Le nombre de loup pouvant être abattu sera lié obligatoirement au chiffre de la population officielle. Ce nombre augmentera si la population de loup progresse et diminuera si la population de loup diminue ou bien sera égal à zéro si le seuil de survie de l’espèce est menacé.
Voulut ou subit, le loup est de retour sur l’ensemble de nos territoires. Quel que soit le nombre, le risque de prédation est réel et implique la mise en place de moyens de protection pour assurer la conservation de l’élevage en plein air. Croire ou faire croire que les tirs systématiques sur des zones dites « à protéger » pourraient garantir la sécurité des troupeaux est faux et absurde. L’expérience du sud-est montre que c’est d’abord les dispositifs de protection des troupeaux qui ont permis notamment sur les zones de foyers de prédation aux éleveurs de continuer leur activité pastorale. Le tir permettant de maintenir l’efficacité des moyens mis en œuvre quand les loups par leur comportement les rendent vulnérables.
« Ne pas laissez s’installer le loup sur les terres de pastoralisme !!! »
Quels sont les critères définissant les zones pastorales pour Monsieur Macron ?
Quels moyens auront à disposition les éleveurs situés en dehors de ces territoires dits pastoraux ? Ces zones d’élevages sont-elles vouées à l’abandon ?
Où Emmanuel Macron compte t’il conserver la population de loup, puisqu’il y est obligé par la convention de Berne?
Pourquoi ces questions ne lui ont pas été posées par nos représentants agricoles ?
Des questions qui resteront très certainement sans réponse. Mais au fait, la biodiversité et l’agriculture traditionnelle ont-elles un avenir ?
Quels retours d’expérience sur l’efficacité des tirs de défense ?
Le tir est actuellement le seul outil pour maintenir l’efficacité à long terme des moyens de protection lorsque les loups, par leurs comportements ou leur nombre les rendent vulnérables.
Mais le tir seul, ne peut garantir la protection des troupeaux sans mise en œuvre de moyens de défense adaptés.
L’utilisation du tir de défense dans les conditions précises est un outil légitime de défense des troupeaux quand les dispositifs de protection que nous appelons « d’évitement « ne sont pas respectés. Ce rapport de force létal est identique à celui qui peut opposer les grands prédateurs entre eux lors de confrontations pour défendre les limites d’un territoire ou bien l’accès à la nourriture. La flèche, la lance ou la carabine sont a l’homme ce que les crocs et les griffes sont aux autres prédateurs.
Les études des tirs sur le comportement des loups sont très rares et leur compréhension à ce jour difficile à cause de l’absence de certaines données
L’étude d’Oksana Grente sur les tirs dérogatoires de loups en France (évaluation des effets sur les attaques aux troupeaux) a montré que l’effet d’un prélèvement de loup sur les attaques aux troupeaux domestiques semblait dépendre à la fois du lieu, de la saison, mais aussi du nombre de loups tués lors du prélèvement. De facto, il est impossible de tirer une seule et unique conclusion à l’effet du prélèvement létal de loup à l’échelle nationale ou même régionale. Celui-ci peut ne pas avoir d’effet sur le nombre de constats d’attaque ou au contraire, la diminuer, et plus rarement, l’augmenter. Les conséquences de la disparition d’un loup par accident, maladie, interaction intra ou interspécifique n’ayant pas été étudiées, la comparaison avec les tirs est impossible. Il est donc aujourd’hui illusoire d’attribuer aux conséquences des tirs plus de bénéfice ou de contrainte que les autres sources de mortalité.
Dans l’attente de nouvelles études complémentaires, nous nous appuyons sur les résultats de terrain.
- Au niveau national (Chiffres source OFB)
Depuis 2014 l’augmentation des tirs de 1400% ne semble pas avoir pénalisée la progression de la population lupine ni freinée son développement. (300 loups en 2014 à 1013 en 2024 soit une augmentation de 234 %).
- Un exemple : Le cas de la Drome (Chiffres DREAL RA)
Relation des tirs et du nombre de victimes
L’augmentation des tirs en 2020 (+60%) est suivie d’une baisse des victimes en 2021 (-43%).
La baisse des tirs en 2021 (-50%) due à un niveau de prédation très bas, est en revanche, suivie d’une forte augmentation des victimes en 2022 (+112%).
L’augmentation des tirs en 2022 (+100%) est encore suivie d’une baisse significative des victimes l’année 2023 ( -24%).
Sur les huit premiers mois de 2024, – 30% de victimes par rapport à la même période 2023
Dynamique population lupine Drôme
Roger Mathieu coordonne depuis 2019 une trentaine de naturalistes qui pistent les loups dans les Alpes, Préalpes et Massifs provençaux. En 2023, le groupe (Groupe loup PP Alpes) a suivi 36 meutes En 2024, la Drôme et départements limitrophes abritent entre 20 et 25 meutes de loups, soit entre 140 et 170 loups (première meute reproductrice au début des années 2000 dans le Vercors). Depuis 2015 le nombre de loups dans la Drôme a été multiplié par 7 (ordre de grandeur) et les dommages aux troupeaux sont stables, voire en diminution depuis 2017. (Article complet du 27/10/2024 sur GoodPlanet).
Pour rester efficace et légitime, le tir de défense devrait être obligatoirement associé à la mise en place de moyens de protection territorialisés. Afin d’assurer l’équité entre les territoires face aux prédations par le loup, les conditions et critères définissant l’autorisation des tirs devraient être adaptés aux réalités du terrain et réservées aux zones appelées « foyers de prédation » où le nombre et le comportement des loups ne permettent pas une cohabitation supportable.
Le loup doit avoir quelque part l’idée de la crainte de l’homme, cela fait partie des « comportements normaux » entre prédateurs, je place l’homme comme ayant le même rapport avec le loup, que le loup avec le puma ou le loup avec l’ours, la compétition et la violence entre prédateurs participent à l’équilibre et à la répartition des forces. Le loup t’oblige à assumer ton animalité.
Antoine Nochy