Les aléas climatiques et la conjoncture économique et géopolitique fragilisent les conditions de travail et les revenus des producteurs.trices. Pour sécuriser ces derniers, de nombreux paysans et paysannes misent sur un renforcement de leur ancrage commercial sur leur territoire en travaillant sur leurs débouchés et leurs marges.
Des démarches collectives associant agriculteurs et acteurs locaux (artisans, transformateurs, commerçants, distributeurs…) se développent pour créer de nouvelles filières territoriales. Moins gourmande en temps que les circuits courts pour les producteurs, plus rémunératrice que la vente en “filières longues” (source Projet Filter 2024 ), cette organisation leur permet par ailleurs de décrocher de nouveaux marchés. En effet, en réunissant les capacités de production de plusieurs fermes voisines, ils peuvent ainsi répondre à des demandes d’approvisionnement importantes, comme pour la restauration collective par exemple.
Une organisation incluant toute la chaîne logistique et de transformation des producteurs aux consommateurs, qui concerne également de nombreuses filières non alimentaires (lin textile, chanvre pour isolation et construction, bois déchiqueté pour paillage et chauffage…)
Nouveaux débouchés & approvisionnement de la restauration collective
Illustration dans les Deux Sèvres, avec une filière viande locale ”Bon et BOCAIN”
Des éleveurs.ses bovins, ovins, porcs et volailles, membres du Civam du Haut Bocage dans les Deux-Sèvres se sont structurés en association, pour livrer la restauration collective locale en viande de qualité. Depuis la ferme jusqu’à l’assiette des enfants, c’est gagnant-gagnant pour chaque acteur de la filière. Les restaurants collectifs intègrent de la viande locale répondant à la loi Egalim et directement livrée par les éleveurs, qui, ensemble arrivent à réunir les quantités nécessaires et peuvent ainsi profiter de nouveaux débouchés commerciaux. Les cuisiniers ont pu bénéficier de formations et ce sont les futurs bouchers, élèves du lycée agricole et technologique de Bressuire qui prennent en charge la découpe de leurs produits
« La clef c’est l’organisation collective ! Les membres de Bon et BOCAIN ont mis en place des outils pour partager les commandes, se positionner sur les quantités disponibles, et organiser les livraisons.Mais également un cahier des charges de production pour assurer une qualité homogène des produits »
Sonia et Fabrice Coutant, Ferme Coutant And Cow, Deux-Sèvres (79)
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Valeur ajoutée, mutualisation et diversification des fermes
Illustration dans les Landes, avec une filière huile “Oléandes”
La création de valeur ajoutée sur les fermes est favorisée par les organisations collectives, notamment grâce à la mutualisation d’outils de stockage, de collecte ou de transformation.
En 2012, quelques éleveurs de canards motivés pour améliorer l’autonomie de leurs élevages décident de produire eux-mêmes les aliments de leurs volailles à base de colza et de tournesol. Dans une zone où règne traditionnellement la monoculture de maïs, ils s’organisent alors pour cultiver tournesol et colza, partager leurs expériences agronomiques sur ces nouvelles cultures ( plus vertueuses pour l’environnement, à faible besoin d’intrants ou d’irrigation), mais également pour s’associer et acquérir ensemble les outils nécessaires à la transformation (presse à huile notamment). A l’issue c’est, le développement d’une véritable filière “huile”, une diversification commerciale pour les fermes, et une belle dynamique de territoire : une marque “ Oleandes” et la création d’emplois pour la production et la commercialisation.
« J’ai pu ainsi diversifier mes productions et avoir une garantie de débouchés : c’est une véritable stabilité financière et une sécurité pour ma ferme. Désormais, on est plus de 100 agriculteurs landais impliqués dans la filière ! Ça représente 600 ha de cultures, 2 300 tonnes de graines à partir desquelles on produit 900 000 litres d’huile chaque année.»
Eric Labaste, agriculteur dans les Landes (40) membre du Civam ALPAD
Relocalisation, tissu local et dynamique de territoires
Illustration en Lozère avec une filière Farine « La Méjeanette »
Ces “filières territoriales” permettent ainsi de relocaliser la valeur ajoutée en se fondant sur la relation directe entre acteurs spécialisés et en mettant en place une gouvernance partagée. Elles se combinent régulièrement avec les enjeux de création d’emplois locaux et de réduction de l’impact écologique des productions. En Lozère, par exemple, les Civam ont accompagné un groupe constitué d’agriculteurs, de boulangers, de meuniers et de consommateurs pour structurer une filière farine locale autour de la réhabilitation d’un ancien moulin à vent sur le Causse Méjean. Dans cette zone rurale isolée, la mairie de Hures la Parade y a vu un projet susceptible de participer au développement économique et à l’attractivité du territoire. Les habitants ont été réunis à différentes étapes des travaux du moulin, de manière à les rendre acteurs du projet. Des emplois ont été créés et de nouvelles familles se sont installées sur la commune. Aujourd’hui, 27 fermes fournissent des céréales au meunier. La farine est distribuée sous la marque Méjeanette, à plus de 15 boulangers et à une 30aine de points de ventes.
« C’est un projet extraordinairement complet qui apporte une richesse sur le territoire, c’est une pâte qui a bien pris grâce à tous les ingrédients nécessaires apportés à la recette. Pour moi, c’est une réussite quand on voit que les habitants s’approprient le moulin à vent et partagent avec les initiateurs du projet la fierté d’avoir « leur moulin » ».
André Baret, maire d’Hures-la-Parade en Lozère (48)
Le Moulin de la Borie – Avant / Après
Des dynamiques collectives qui favorisent la transition agroécologique…
Les dynamiques collectives qu’impliquent ces filières ( partage des risques, mutualisation des connaissances…) sont des facteurs déjà reconnus comme favorisant l’écologisation des pratiques agricoles (source: Projet Filter 2024) La contractualisation et la formalisation des engagements via des chartes, cahiers des charges ou labels, pose l’identité collective de la filière, acte des pratiques autorisées ou interdites, et propose parfois des démarches d’amélioration. Un cadre commun qui permet également de différencier les produits auprès des consommateurs. Le cahier des charges est ainsi un vecteur d’amélioration des pratiques agricoles car il fixe un cadre structurant qui guide les producteurs vers des exigences techniques, environnementales et sociales spécifiques. Son rôle dépasse la simple formalisation des engagements.
« Le fait d’échanger entre agriculteurs sur nos pratiques, ça nous permet de progresser individuellement!
En plus du cahier des charges commun, on se retrouve tous les ans pour faire un point sur nos méthodes de production et travailler ensemble sur les perspectives d’évolution et les nouveaux leviers agroécologiques que l’on peut mettre en place sur nos fermes»
Pascal Baudouin, éleveur dans la Vienne (86) – membre du Civam Mont’Plateau
…A accompagner dans la durée !
L’analyse des expériences pionnières a permis au réseau des Civam d’identifier 3 grands axes d’accompagnement nécessaires : organisationnel (comme par exemple la gouvernance collective, les cahiers des charges, les partenariats), technique (production, process…) et économique (formalisation de business plan, recherche de financements, contractualisation….)
L’émergence, la construction et la pérennisation de telles filières territoriales nécessite par ailleurs une organisation collective, qui peut difficilement se mettre en place sans un travail d’accompagnement global – C’est le coeur de métier de structures associatives telles que les groupes Civam – et dont le coût doit être pris en compte. Et ce dans la durée, car cette organisation de filière est longue ( entre 4 et 8 ans en moyenne – source Projet Filter 2024 ).
« Au vu des nombreuses externalités positives qu’elles génèrent, l’appui au fonctionnement et au développement de telles filières territoriales est nécessaire et indispensable ! C’est aussi parfois l’occasion d’intégrer les enjeux d’accessibilité des produits alimentaires locaux aux personnes les plus précaires par exemple par l’implication d’épiceries sociales dans les dispositifs. L’État et les collectivités ont un rôle essentiel à jouer, notamment au travers des projets alimentaires territoriaux (PAT) ».
Nicolas Verzotti, maraicher dans le Vaucluse (84) et président de Réseau Civam
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Pour aller plus loin
À propos des Civam
Les CIVAM (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) sont des groupes d’agriculteurs et de ruraux qui travaillent de manière collective à la transition agro-écologique. Il s’inscrivent également dans des dynamiques collectives et citoyennes (réseaux InPACT, Collectif Nourrir, Sécurité sociale de l’alimentation ….). Les CIVAM constituent un réseau de près de 130 associations, qui emploient 250 animateurs-accompagnateurs et qui œuvrent depuis 60 ans pour des campagnes vivantes. Ils agissent pour une agriculture plus économe et autonome, une alimentation relocalisée au cœur des territoires et des politiques agricoles, pour l’accueil de nouvelles populations et pour la préservation des ressources.
Contact presse :
Aurore Puel – aurore.puel@civam.org – 06.41.03.31.35
Lucie Faguais – lucie.faguais@civam.org – 06.41.88.31.81