La loi Duplomb a été votée après un processus politique contestable et contesté par les malades, médecins, scientifiques et agriculteur·ices, qui à l’inverse appelaient à une réforme profonde de notre système agricole et alimentaire. Le 7 août, le Conseil Constitutionnel a censuré la réintroduction de certains néonicotinoïdes, comme l’acétamipride. Loin d’être une victoire, cette censure n’est qu’un sursis. Rien n’empêche Laurent Duplomb et ses soutiens de revenir à la charge avec une nouvelle proposition. La FNSEA ne s’en est pas cachée lors de sa conférence de presse du 2 septembre en appelant au dépôt rapide d’un nouveau texte. Elle a trouvé un partenaire de choix avec l’extrême droite qui, profitant du chaos politique de la rentrée, a déposé une loi pour ré-autoriser les néonicotinoïdes, piétinant sans surprise la mobilisation citoyenne.
Un tel scénario n’est pas concevable compte tenu de la mobilisation sans précédent de ces dernières semaines. En effet, face au scandale démocratique et au péril que la loi fait peser sur notre souveraineté alimentaire, ce sont plus de 2,1 millions de citoyens qui ont signé la pétition “Non à la loi Duplomb”. Un record. Alors que cette mobilisation ouvre la possibilité d’un débat (sans vote) à l’Assemblée nationale, nous demandons à nouveau à nos parlementaires d’en respecter la volonté :
- en abrogeant la loi Duplomb ;
- en rejetant toute nouvelle proposition de loi visant la réintroduction de néonicotinoïdes ;
- en adoptant une nouvelle loi répondant aux vrais enjeux agricoles, alimentaires et sanitaires du pays ;
- en révisant les règles qui rendent possible l’adoption de lois au mépris de la science et du débat démocratique.
Soyons clairs : la loi Duplomb est une mauvaise loi, pour le monde agricole et plus largement pour l’ensemble des citoyen·nes. Elle ne répond pas aux véritables problèmes auxquels est confronté le monde agricole, mais aux intérêts de l’agro-industrie. Elle ne garantit pas une rémunération plus juste, ni une meilleure protection face aux maladies liées aux produits chimiques. Elle ne prépare en rien notre agriculture aux réalités du changement climatique. Et perpétue un modèle agricole reposant sur l’exploitation intensive des sols et tourné massivement vers l’exportation, au lieu de viser une alimentation saine, durable, résiliente et accessible.
La loi Duplomb vient renforcer un modèle agricole industriel et destructeur, tourné vers les intérêts de quelques-uns, au détriment de notre capacité collective à nous nourrir demain. Par exemple, en facilitant la construction de mégabassines, qui accentuent les tensions sur la ressource en eau, et en permettant l’accélération du développement d’élevages industriels et de fermes-usines. Cette loi affaiblit le rôle de l’Office français de la biodiversité et tourne le dos aux connaissances scientifiques, en réactivant la stratégie du doute propre aux lobbies comme celui des pesticides. Combien de scandales sanitaires, en métropole et dans les Outre-mers comme ceux du chlordécone, de l’amiante ou des polluants éternels faudra-t-il encore pour que nous tirions enfin les leçons du passé ?
Un changement de cap s’impose.
Il est tout à fait possible de concilier souveraineté alimentaire, revenus dignes, droit à l’alimentation, protection de la biodiversité et santé publique. Dans l’urgence, des solutions s’imposent parmi lesquelles : clauses de sauvegarde pour cesser l’importation de produits traités avec des substances interdites en France, réorientation des aides publiques vers le soutien à l’agroécologie dont l’agriculture biologique, etc.
Dans les prochains jours, des mobilisations vont prendre place : blocages du 10 septembre, appels à la grève dans de multiples secteurs le 18, puis marche pour le climat, la démocratie et la justice sociale le 28. La loi Duplomb, tant sur la forme que sur le fond, fait partie des déclencheurs amenant des citoyen·nes à exprimer leur refus et leur colère. Nous invitons les millions de signataires et soutiens citoyens et acteurs de la société civile à accentuer la pression sur les responsables politiques.
Sur le budget, le modèle agricole, la santé, les services publics, comme sur les règles mêmes du jeu démocratique : tout doit être repensé. Nos signatures sont un cri pour une démocratie vivante, pour le respect de notre santé, pour une agriculture à la hauteur des enjeux du XXIᵉ siècle et pour améliorer la vie de celles et ceux qui nous nourrissent, dont la majorité ne veut pas de ce modèle qu’on leur impose. La Loi Duplomb contribue à la perte de crédibilité inédite de nos gouvernants ces derniers mois. Ils doivent revenir à la raison : abroger cette loi, ouvrir un véritable débat sur notre modèle agricole et alimentaire et adopter de nouvelles pratiques démocratiques donnant moins de pouvoirs aux lobbies et plus de pouvoir aux citoyennes et citoyens. Nous n’avons peur ni du débat, ni du progrès. A vous, responsables politiques de vous montrer à la hauteur !
Signataires de la tribune :
Une centaine de figures de la société civile et des dizaines d’associations dont le Réseau Civam se sont unis dans cette tribune commune.
Retrouvez la liste sur le site du média Vert : https://vert.eco/articles/une-trentaine-dong-appellent-a-abroger-la-loi-duplomb-qui-renforce-un-modele-agricole-industriel-et-destructeur
À propos des Civam
Les CIVAM (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) sont des groupes d’agriculteurs et de ruraux qui travaillent de manière collective à la transition agro-écologique. Il s’inscrivent également dans des dynamiques collectives et citoyennes (réseaux InPACT, Collectif Nourrir, Sécurité sociale de l’alimentation….). Les CIVAM constituent un réseau de près de 130 associations, qui emploient 250 animateurs-accompagnateurs et qui œuvrent depuis 60 ans pour des campagnes vivantes. Ils agissent pour une agriculture plus économe et autonome, une alimentation relocalisée au cœur des territoires et des politiques agricoles, pour l’accueil de nouvelles populations et pour la préservation des ressources.
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