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Changement climatique – Des arbres fourragers pour nourrir les troupeaux ?

Peut-on pâturer les arbres, arbustes et lianes quand il fait sec ?  Le dispositif agroforestier récemment mis en place à l’Inra de Lusignan permettra bientôt de fournir des indications précieuses sur les conditions optimales d’usage, de protection et d’exploitation de nombreuses espèces de ligneux au pâturage, sans trop compliquer le travail de l’éleveur en production laitière. Premiers résultats.

Les ressources en eau et en énergie fossile devenant rares, les systèmes laitiers de demain devront utiliser avec parcimonie l’eau d’irrigation, les fertilisants minéraux azotés et les concentrés exogènes.Le pâturage, pratique économe en eau et en énergie fossile, constitue déjà une bonne réponse à ces contraintes. Mais dans une grande partie de la France, la production herbagère, importante au printemps et dans une moindre mesure à l’automne, est fort réduite en été. Le changement climatique devrait accentuer les périodes de sécheresse et la variabilité interannuelle de la production des prairies. Les arbres et arbustes pourraient alors fournir aux herbivores un fourrage complémentaire.

 

« Les espèces ligneuses (arbres, arbustes et lianes) permettent en effet de diversifier les ressources fourragères, d’offrir un microclimat plus favorable aux animaux, de mieux capter le rayonnement solaire et d’utiliser les ressources en éléments minéraux et en eau des horizons profonds du sol « 

 

En savoir plus : « Les arbres, une ressource fourragère au pâturage pour des bovins laitiers »,

 

DES ESPÈCES À PROFIL FOURRAGER INTÉRESSANT

Les dispositifs expérimentaux lancés au domaine Inra de Lusignan ont pour but d’étudier différentes espèces ligneuses pâturables, différentes organisations spatiales et types de protection vis-à-vis du troupeau, et plusieurs modes d’exploitation de ces ressources en production laitière.

  • La valeur nutritive des feuilles collectées en été sur 27 espèces ligneuses fait l’objet d’une large évaluation : valeur énergétique et azotée, teneur en fibres et en tanins condensés, digestibilité, dégradabilité théorique de l’azote.
  • Il en ressort que plusieurs espèces présentent un excellent profil pour leur valeur protéique et énergétique : c’est le cas du mûrier blanc, du frêne, mais aussi le tilleul, l’aulne de Corse et certaines lianes et arbustes.

D’autres espèces conviendraient également pour alimenter en pâturage estival, des animaux à l’entretien ou aux besoins plus modérés que des animaux en lactation.

La valeur fourragère de certaines de ces ressources dites ligneuses pourrait approcher celle de nombreuses espèces fourragères prairiales. Ces ligneux constituent donc une ressource mobilisable intéressante, même pour des animaux laitiers, lorsque les fourrages traditionnellement pâturés viennent à manquer en raison de conditions climatiques défavorables (été, automne).

 

En contribuant à l’alimentation du troupeau au pâturage, cette ressource pourrait donc limiter le besoin en fourrages stockés et en concentrés.

 

70 ESPÈCES ÉTUDIÉES EN HAIES FOURRAGÈRES

Les haies existantes sur la ferme ont été intégrées dans les parcelles pâturées et rendues accessibles aux animaux soit en totalité, soit sur une seule face. Le comportement des animaux et le devenir de ces haies bocagères soumises au broutage seront suivis régulièrement.

De nouvelles haies ont aussi été installées pour étudier le comportement et la valeur fourragère de près de 70 espèces au total, choisies pour leur adaptation au changement climatique (micocoulier, frêne oxyphylle, érable de Montpellier, chêne pubescent…), leur aptitude à utiliser l’azote atmosphérique (sophora, arbre de Judée, aulne glutineux, baguenaudier…), leur productivité (paulownia, alisier, érable sycomore, tremble, saules, tilleuls, ormes…) ou leur capacité à supporter une taille sévère.

Une parcelle forestière a été fortement éclaircie de façon à pouvoir servir d’abri et de ressource fourragère au troupeau avec une conduite en plusieurs strates et le semis d’une prairie adaptée à l’ombrage. Un bosquet de 0,3 ha, fruitier de surcroît, a aussi été installé et les arbres y seront conduits en haut jet, têtards ou taillis.

 

Pour aller plus loin, lire l’article de recherche original : Les arbres, une ressource fourragère au pâturage pour des bovins laitiers »,  par Emile, J.C., Barre, P., Delagarde, R., Niderkorn, V., Novak, S., 2017, Fourrages 230, 155-160

Photo : © Sandra Novak.

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