A l’herbe en hiver : pâturage, bale grazing, 100% plein air
Le Pôle Agriculture Durable Grand Ouest (ADGO) s’est réuni fin janvier pour une journée dédiée au pâturage hivernal.
Face aux sécheresses estivales et à des hivers plus doux, une cinquantaine de paysans·annes et d’animateurs·trices des Civam ont échangé sur les aspects techniques d’une pratique qui bouscule les habitudes mais semble faire ses preuves.
Photo : Chez David Tregarth, le 27 janvier, les animaux étaient tous dehors. Le système de boîtiers électriques est visible au milieu de la photo. © Marine Benoiste

Les dernières journées ADGO ont eu lieu en 2019 autour de la question « Que fait-on des veaux mâles laitiers ? ». A la fin de cette rencontre on avait dit « on se revoit vite ». Mais le Covid est passé par là et presque quatre années se sont écoulées. Quatre années qui ont vu beaucoup de choses changer, le changement climatique devenir plus prégnant et la nécessité de s’adapter sur les systèmes pâturants plus urgente. Devoir faire reconnaître les qualités des prairies dans les systèmes de production économes et autonomes est devenu un enjeu politique.
Changer ses pratiques quand l’hiver devient plus doux
Quelle valorisation de l’herbe en pâturage hivernal ? Les données issues du projet PERPET (voir LAD n°100), programme de recherche-action qui a étudié pendant 5 ans la question du vieillissement des prairies, apporte de premières réponses. Sur les fermes du grand Ouest suivies, les pâturages d’hiver – de décembre à février – ont permis de valoriser en moyenne 400 kg de MS/ha, voire parfois jusqu’à 1,7 TMS/ha. Cela représente 6 à 7% de l’herbe totale valorisée de la prairie par an et peut même représenter jusqu’à 23% ! Les éleveurs qui ont choisi de pâturer l’hiver l’ont fait en général après 5 jours peu pluvieux et avec 2 types de conduite : soit en faisant pâturer beaucoup d’animaux pendant peu de temps (66 UGB/ha/jour pendant 0,6 jour en moyenne), soit en faisant pâturer peu d’animaux un peu plus longtemps (27 UGB/ha/jour pendant 1,5 jours en moyenne). La prairie a été de nouveau pâturée 57 jours après le pâturage hivernal. Après 4 ans, relevés précis à l’appui, on a pu constater que ces pâturages hivernaux n’avaient dégradé ni la flore de la prairie, ni la densité de l’herbe, ni la structure du sol !
Observer ses prairies changement climatique pâtures & co
« Mais alors on y va quand ? », demande Antoine, éleveur laitier normand. Il n’est pas le seul à se poser la question et les réponses de ceux qui pratiquent déjà fusent : « J’y vais quand je vois de l’herbe, quand on ne voit plus les bouses et qu’il y a au moins 24h de repas » répond Aurélien, éleveur laitier à Corps- Nuds (35). Sébastien de la Sarthe ajoute « Je ne remets pas trop vite à l’herbe à l’automne pour accumuler un peu d’herbe pour l’hiver ». Si les craintes d’empiéter sur la pousse de printemps ou de ne plus pouvoir faire du stock sur pied l’été sont évoquées, d’autres aspects positifs sont soulignés « ça permet de nettoyer l’herbe d’automne pas très belle ». Cela peut permettre également d’écrêter le pic de pousse au printemps et d’anticiper les
surplus. Peut-on alors remplacer des tMS d’herbe stockée au printemps par des tMS d’herbe pâturée l’hiver, avec les gains qui en découlent ?
Comme bien souvent une des clés réside dans l’observation et dans l’attente que nous avons de telle ou telle prairie dans notre système. Il est enfin non négligeable d’avoir des chemins d’accès en très bon état.
Une technique venue d’Amérique du nord : le bale grazing
L’après-midi les participants ont pu découvrir la ferme de David Tregarth, éleveur de Salers et de brebis, qui a fait le choix d’un système 100% herbe, 100% plein air, avec 2 conduites de pâturage :
- Un pâturage ultra-dynamique, avec un gros chargement sur un temps court, pour les mères avec leurs veaux. Grâce à deux petits boîtiers électriques programmés, le fil avant se lève, même si l’éleveur n’est pas là ! Les vaches et veaux changent ainsi de paddock 2 à 4 fois par jour.
- Un pâturage tournant pour les génisses de renouvellement : 1 à 2 jours par paddock.
Le 27 janvier, les animaux étaient tous dehors, nourris principalement au pâturage, avec un complément de foin directement déroulé dans la prairie. C’est la pratique du bale grazing. Ce système permet à David d’avoir un coût alimentaire vraiment minime : 63€/UGB.
Des questions en suspens
« Les 2 mois de repos hivernal ne se reportent-ils pas sur l’été ? », « Quelles espèces végétales sont les mieux adaptées ? », « Qu’en est-il au sud de la Loire ? », « Faut-il dans ce cas grouper les vêlages à l’automne ? Pâturer l’hiver et fermer la salle de traite l’été ? »
Nous avons encore besoin de données technico-économiques concrètes sur le pâturage hivernal et tous les échanges nous ont montré le besoin de traiter la question : comment trouver du plaisir à travailler plus en hiver ? A l’ADAGE, il est déjà prévu de continuer sur le sujet et un appel est fait aux groupes pour qu’ils s’emparent également de la question. Une chose en tout cas est certaine et tous les participants l’ont confirmé : « le pâturage c’est pas terminé ! ».
La ferme de David en bref
SURFACES ET PRODUCTIONS
84 ha de SAU en bio. 100% SFP en prairies. 2 ha de blé panifiable
PLUVIOMÈTRIE
538 mm en 2022 dont 385 mm entre le 01/09 et le 31/12
MAIN D’OEUVRE
1 UTH – installé en 2020
TROUPEAUX
58 mères allaitantes et 60 génisses de race salers, 60 brebis race anglaise à viande
SYSTÈME D’ALIMENTATION
Basée sur le pâturage avec conduite différenciée pour les deux lots :
Mères suitées : pâturage ultra dynamique (2 à 4 changements/jour)
Renouvellement : pâturage tournant – 1 à 2 jours par paddock
REPÈRES ÉCONOMIQUES
Présence d’un tracteur (manutention et un peu de récolte d’herbe)
Faucheuse/faneuse/andaineur et quad
82% de pâturage dans la ration
Coût alimentaire : 63€/UGB
Coût véto : 29€/UGB
Consommation de 890 l de GNR en 2021 (700 l en 2022)