Pour des
campagnes
vivantes

Mission perpet®: l’outil pour bien faire vieillir ses prairies

En septembre dernier, un petit groupe d’agriculteurs et d’agricultrices s’est retrouvé chez Cyrille, éleveur de vaches laitières à Pancé (35) pour tester “Mission PERPET®”, le nouvel outil d’accompagnement collectif au vieillissement des prairies, élaboré par le Réseau Civam, l’Idele et l’Inrae. Reportage.

Ce matin, une petite dizaine d’éleveurs et d’éleveuses suivent Cyrille, dans sa prairie. « Je vous ai amenés sur une parcelle qui me pose question. Elle a 6-7 ans, elle donne quelques signes de faiblesse, mais je ne veux pas pour autant la casser » explique-t-il au groupe, réuni pour tester Mission PERPET® , le nouvel outil pour réfléchir au vieillissement des prairies.

Le grand plateau de jeu est placé au milieu de la prairie, et l’animateur du groupe, Romain, explique les règles et le déroulé de la matinée. «C’est un exercice de co-construction, il est donc primordial que tout le monde se mette dans une posture au service de l’agriculteur qui accueille et au service du groupe et non dans une posture de jugement. Il n’est pas question de bonnes pratiques en soi, mais de pratiques adaptées à ce que l’on veut.»

UNE PARTIE EN 3 ÉTAPES

Une partie en 3 étapes, pour réfléchir des pratiques adaptées à l’état de sa prairie et à ses attentes.

1. DIAGNOSTIC PRAIRIAL COLLECTIF

Les participants s’éparpillent en petits groupes dans la prairie avec pour mission d’étudier la composition floristique de sa zone, avant de revenir autour du plateau avec le résultat de leurs observations.

« L’outil propose des clés de reconnaissance simples qui permettent l’acquisition rapide de compétences pour la détermination floristique du fond prairial » précise Romain en montrant les cartes plastifiées qu’il vient de récupérer. « Les supports pédagogiques permettent une appropriation rapide et dynamique de connaissances et de savoirs-clés », 

Les cartes détaillant les espèces et le plateau de jeu vont ainsi servir de supports pédagogiques pour permettre au groupe de « noter » la prairie selon sa couverture, la qualité de sa composition floristique et son rendement. L’animateur rappelle que des zones différentes ayant été observées, aucun groupe n’aura “plus raison” qu’un autre. Il s’agit justement au travers de la confrontation des résultats de susciter des échanges autour de la prairie et d’acquérir ou de consolider des connaissances techniques.

 

Chaque question ou interaction est d’ailleurs une occasion de préciser des informations. Ainsi, les diverses dicotylédones sont souvent considérées comme “indésirables” par les agriculteurs ou les techniciens et ont des valeurs pastorales faibles. Or on sait désormais que des prairies riches en diverses (20%) permettent une valorisation d’herbe supérieure à 6 tMS/ha. (PLus d’infos dans les résultats du projet de recherche PERPET* dont est issu cet outil).

« L’animal, les diverses, il les mange. Notre regard est une façon de classer la prairie mais c’est l’animal qui a raison ! » résume Patrice, l’un des participants.

2. DÉTERMINER LES FONCTIONS FOURRAGÈRES PRINCIPALES

«Qu’est-ce que tu attends de cette prairie ? Est-ce que tu la gardes pour du 100% pâturage ? Pour de la fauche ? Quels animaux veux-tu mettre dessus ? Des laitières, des taries ? » Cyrille est questionné par les participants.

Selon les objectifs des éleveurs, les prairies peuvent avoir des fonctions très différentes (exemples : une prairie proche de la stabulation pour un pâturage tout au long de l’année ; ou une prairie éloignée destinée à la fauche pour des stocks de qualité).

Elle peut donc nécessiter des qualités floristiques très différentes. A chaque fonction fourragère, correspond donc une végétation « idéale ». Des cartes fonction rappellent ces caractéristiques, et les traduisent par des notes de couverture/flore/rendement.

Les participants vont instantanément pouvoir constater les éventuels décalages par rapport au diagnostic qu’ils viennent de réaliser… Et réfléchir collectivement sur les leviers à mettre en oeuvre pour que la prairie remplisse la fonction attendue.

3. QUESTIONNER LES PRATIQUES… ET SUGGÉRER DES AMÉLIORATIONS

 

« Et l’hiver, tu fais quoi ? Est-ce que tu as utilisé le tracteur ? Dans le pâturage, tous les ans : c’est le même ordre ? » Au fil des questions à l’agriculteur, les participants reconstituent saison par saison ce qui est fait sur sa prairie, et matérialisent ses pratiques par des cartes magnétiques sur le plateau de jeu.

Pratiques en matière de pâturage (entrées, sorties, chargement…), de fertilisation, de mécanisation (sursemis, ébousage…), ou encore stade de récolte… Chaque pratique est questionnée, au regard de son impact sur la problématique de l’agriculteur et de la fonction de sa prairie. Et par exemple : faire revenir le trèfle dans une prairie dédiée au pâturage, augmenter le rendement, boucher les trous, se débarrasser des chardons…

« Cet outil vise une mise en discussion des pratiques, afin qu’en se penchant sur la résolution collective d’une problématique d’éleveur, chacun reparte avec des réflexions sur la mise en cohérence de ses pratiques avec ses prairies et la fonction fourragère qu’on leur donne» résume Romain.  « La partie dure 2 à 3 heures suivant les échanges, ce qui est un bon compromis pour la caler dans une journée de formation » 

ALORS AU FINAL QU’EST-CE QU’UNE BONNE PRAIRIE ?

Le jeu permet de questionner les perceptions des éleveurs et de leur permettre de dépasser les considérations de productivité….  « On travaille avec des bureaux ouverts, les collègues voient les champs… D’où l’importance de la confiance pour assumer ces regards: mon champ n’est peut-être pas le plus beau, mais il correspond à mon système », remarque avec humour un éleveur .

« La bonne prairie, c’est la prairie qui remplit la fonction qu’on en attend dans son système. Et on peut changer ses attentes ! » conclut Estelle, l’une des éleveuses participantes.

 

Pour permettre une bonne prise en main de l’outil, Mission PERPET est diffusé dans la cadre d’une formation de 2 jours. Proposée par Réseau Civam et l’Idele, elle alterne des temps théoriques sur le vieillissement des prairies et mise en pratique sur des fermes. 

En savoir plus sur l’outil

 

Voir les prochaines formations

 

* Le projet multipartenial PERPeT (2016-2020) a eu pour objectif de mieux comprendre les facteurs de pérennité des prairies temporaires d’association graminées-légumineuses. Résultats du projet et nombreuses ressources techniques à retrouver sur le site du Réseau Civam

Articles similaires

Projet de loi agricole : un texte enfin finalisé mais toujours insuffisant pour renouveler les générations agricoles

3 mars 2024 – Communiqué des organisations paysannes et citoyennes expertes de lʼaccompagnement à lʼinstallation-transmission agricoles

Une nouvelle étape a été franchie dans le processus PLOAA lancé en 2022 par Emmanuel Macron : la version finale du projet de loi a été présentée pour avis au Conseil dʼEtat la semaine dernière. Plus de 14 000 fermes ont disparu sur nos territoires depuis le lancement officiel du processus PLOAA par Emmanuel Macron il y a 18 mois, en septembre 2022. Si le projet de loi était adopté en lʼétat, nous ne pourrons éviter la poursuite de lʼhémorragie, et dès 2030, nous pourrions passer la barre des moins de 400 000 agriculteurs contre 496 000 en 2020 (Terre de Liens, 2023). Poursuivant leur mobilisation, nos organisations analysent le contenu de ce projet de loi et détaillent les amendements nécessaires pour que la loi qui sera finalement adoptée permette dʼatteindre ses propres objectifs.

Agriculture durable
Presse
Mobilisation & mal-être agricole : les Civam alertent sur les responsabilités du modèle agro-industriel et enjoignent à garder le cap de la transition agroécologique

Face à la mobilisation du monde agricole sur l’ensemble du territoire, les agricultrices et agriculteurs membres du réseau des Civam pointent les responsabilités du modèle agro-industriel dans le mal être paysan et alertent sur le risque de faire des normes environnementales un bouc émissaire.

Agriculture durable
Presse
Premier observatoire bovins viande à l’échelle des Pays de la Loire

Pour la première fois, Réseau Civam compare les performances technico-économiques d’élevages de bovins allaitants engagés en agriculture durable, avec celles des exploitations allaitantes moyennes des Pays de la Loire. Cette comparaison existe depuis plus de dix ans en bovins laitiers à l’échelle du Grand-Ouest.

Agriculture durable
Presse
Les systèmes pâturants, durables et attractifs

L’Observatoire technico-économique du Réseau CIVAM, compare chaque année les performances des fermes pâturantes engagées en agriculture durable, avec les moyennes des fermes laitières du Grand Ouest. La nouvelle édition 2023 vient de paraître, et démontre que les systèmes pâturants* sont plus attractifs pour de nouvelles installations.

Agriculture durable
Presse
Comment gérer les aléas climatiques en maraîchage ?

Sévère épisode de grêle, coups de chaud, alors que les aléas climatiques se multiplient en Pays Basque, des maraîchers membres du Civam BLE témoignent. Comment réagir ? Comment anticiper ? Quelle feuille de route pour rebondir ?

 

Agriculture durable
Propositions
Velages groupés d’automne : de multiples atouts à bien penser

La première motivation du passage en vêlages groupés, c’est la réorganisation et l’allègement du travail. Guillaume Houitte est installé depuis 2008 à Langouët, en Ille-et-Vilaine. À partir de 2014, il oriente son élevage laitier vers un système herbager. En tout herbe depuis 2020, l’élevage compte 55 vaches laitières sur 60 ha. Depuis quelques années, Guillaume est passé en vêlages groupés d’automne, avec des mises-bas de mi-septembre à début décembre. Depuis 2 ans, le tarissement estival lui permet de fermer la salle de traite pendant 2 mois. Témoignage.

Agriculture durable
Propositions